Out of Pluto présente La Caverne à la Nuit Blanche

Posté par Annia Domènech Il y a 7 années, 6 mois

La Caverne1Un compteur indique aux spectateurs combien de temps il reste avant la performance suivante. Beaucoup s’arrêtent et attendent, assis sur le petit bord de trottoir où sur les bancs de la Péniche Le Marcounet. D’autres continuent leur chemin. L’écran, de deux mètres quarante par trois cinquante, a l’air petit sur les quais.

Quelque chose se passe ! Une silhouette noire se dessine, se rapproche de nous, s’éloigne, perd la tête… Et s’allume ! Sur les bras, sur le torse, sur les pieds… des points de lumière de différentes couleurs surgissent dans l’obscurité et poussent la silhouette vers un côté, vers l’autre, en haut, en bas… La silhouette est prisonnière, paraît-il de la technologie… comme nous ? Mais le prisonnier, puisque c’est de ce nom que nous le désignerons dorénavant, essaie de s'échapper. Il se contorsionne, mais il est contraint par les lumières et les couleurs. Finalement, après des efforts considérables, l'une devient blanche, puis une autre, ça y est, il a repris son libre arbitre. Avec un dernier effort il s'extrait de la caverne et se jette, épuisé, au milieu du public.

 

 

Le  public est curieux, et tant mieux. Il se demande s’il s’agit d’un vrai danseur ou d’une simple projection. Certaines personnes se déplacent pour regarder derrière l’écran, elles veulent connaître les coulisses. Là-bas, elles voient un marionnettiste moderne équipé d’un ordinateur et le mime dont le corps est parcouru de fils connectés à un miniordinateur Arduino.

 

 

Dans vingt minutes le mime essaiera à nouveau de s’échapper…Il ne pleut pas, mais il fait froid. L’hiver est arrivé pour la Nuit Blanche 2016. Le projet La Caverne a commencé à prendre forme avant l’été. Qu’elle est son histoire ?

 

Le franchissement

Dans le cadre de la Nuit Blanche 2016 sur la question du franchissement, Anthony Baillard a créé une œuvre vivante : une danse d'ombres et de lumières avec un prisonnier derrière d’un écran translucide, dans une nouvelle vision de l’allégorie de la caverne de Platon, qu’il a réalisé en partenariat avec la start-up Out of Pluto.

 

LaCaverne 3

 

L'allégorie de la caverne a de nombreuses ramifications philosophiques, mais ce que Baillard voulait montrer plus particulièrement est le moment de la révélation, lorsque l'homme prisonnier est libéré de ses chaînes : il doit découvrir et accepter que le monde est infiniment plus complexe, plus riche que ce qu'il paraissait quelques instants auparavant. Il faut d'abord le percevoir, le conceptualiser puis envisager comment l'apprivoiser ; ce sont les trois étapes du franchissement : perception, compréhension, action. Baillard considère que « la conscience que nous avons de notre environnement se traduit par l'image. L'image, mentale ou non, est toujours une interprétation, une déformation de la réalité à travers notre perception ».

Situé derrière un écran translucide, un danseur est "prisonnier". Mais il n’est pas enchaîné physiquement sinon dans la perception de son univers. Seule son ombre est perceptible, il n'a que deux dimensions et ses mouvements reflètent cette perception limitée de lui-même. Il va devoir lutter contre cette idée, découvrir qu'il ne vit que partiellement conscient de lui-même et de son environnement, comprendre ce que cela signifie pour pouvoir s'en libérer.

Le danseur ne vit cependant pas dans une époque différente de la nôtre : il a la technologie à son "service". Cette technologie est représentée par des objets lumineux sur son corps, qu'il peut parfois contrôler et manipuler et qui parfois le contrôlent et le manipulent en retour.

Plusieurs dimensions allégoriques peuvent être perçues dans l'œuvre. L’écran constitue une barrière entre le spectateur et les danseurs, entre le monde "réel" et un monde d'illusions. Le personnage affronte les obstacles de la vie et la perte de l'innocence liéé à la connaissance. La maîtrise de notre environnement dans notre modernité technologique remet partiellement en cause ce qui constitue l'ontologie de la caverne de Platon.

 

La couleur

Qui dit lumière dit couleur et qui dit couleur peut dire Kandinsky !

En effet, dans son Du Spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier, Kandinsky développe une théorie autour de la nécessité intérieure, autrement dit, la voie par laquelle l'art atteint l'âme humaine. Dans la deuxième partie de son essai, il applique cette théorie à la couleur et en extrait une grille de lecture des couleurs en fonction de leur effet sur le spectateur. Notamment, il y explique les sensations de mouvements propres à chaque couleur à travers des paires de contrastes : bleu pour le concentrique et jaune pour l'excentrique par exemple.

 

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Et bien, le langage corporel de La Caverne est guidé par ces paires de contrastes et donc la nécessité intérieure chère à Kandinsky !

Crédits pour toutes les images: La Caverne/Out of Pluto

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